Fake news: les vers de terre peuvent remplacer l’expérimentation animale sur des mammifères

Nous vivons dans un monde formidable ! On nous promet de tout simplifier, de rapidement diagnostiquer les maladies avec la génétique et le big data, et maintenant, même plus besoin de passer par la case études précliniques sur des mammifères. Ces merveilleux vers de terre avec un petit millier de cellules, un système nerveux hyper simple par rapport au million de milliards de connections dans le cerveau humain, vont tout remplacer. Plus besoin d’utiliser ces modèles animaux de maladies neurologiques et psychiatriques complexes. Des vers de terre feront l’affaire, on va développer des modèles de Parkinson, de schizophrénie, d’Alzheimer, d’épilepsie, d’autisme et vogue le navire. Il n’y a plus qu’à tester les molécules candidates en mesurant en quelques heures si le ver n’est plus parkinsonien et le tour est joué. Une startup se propose même de faire cela de façon automatique en quelques heures : on place des centaines de vers de terre dans des petites fioles et on teste la réponse aux molécules candidates. Dans un article publié par le Journal du dimanche, le Dr Mouchiroud, créateur d’une startup, nous promet la fin de la nécessité d’utiliser des modèles animaux de mammifères.

On est frappé par autant d’incohérence et de méconnaissance de la réalité pharmaceutique. Les maladies mentales sont dues à des malformations dans des réseaux de neurones composés de millions de cellules nerveuses et ne sont pas reproductibles dans un ver de terre. On va à la rigueur tester un mécanisme d’action d’une molécule sur une mutation génétique exprimée dans le ver de terre, reste que la majorité de ces maladies neurologiques et psychiatriques n’est pas due à une mutation génétique et quand elle l’implique, les réseaux neuronaux affectés réagissent en générant des activités électriques aberrantes, causes directes de la maladie. De plus, on a hâte de voir comment se comporte un ver de terre « autiste ou schizophrène », sachant que le diagnostic est clinique et donc la molécule est censée agir sur le comportement « autistique ou schizophrène ». Déjà sur des mammifères, nous avons des difficultés à mimer des maladies neurologiques (qu’est-ce qu’une souris schizophrène ?) alors un ver de terre ! Des centaines de processus génèrent des épilepsies infantiles à cause de réseaux mal fonctionnant, les reproduire chez le ver de terre est une illusion.

Les autorités ne nous accordent pas d’autorisations de faire des essais cliniques se basant sur des données solides obtenues chez des mammifères, elles ne vont pas gober une drogue qui réduit je ne sais quel paramètre dans un ver de terre. De plus, les médicaments agréés doivent passer par une série de test de toxicité, de génotoxicité, de toxicité métabolique et autre, et cela est fait sur des rongeurs, cochons, primates et autant que faire se peut dans des conditions humaines. En d’autres termes, une molécule ayant un effet impressionnant sur le ver de terre devra de toute façon être testée sur des mammifères. Enfin, croire que l’industrie pharmaceutique va investir les centaines de millions requis pour développer une nouvelle thérapie partant de résultats uniquement observés sur des vers de terre est une profonde méconnaissance de la réalité économique.

En résumé, utiliser des vers de terre –approche bien en phase avec la politique dominante de lier gène/protéine avec une maladie– est peut-être utile pour avancer dans la direction d’une meilleure compréhension des mécanismes d’actions, mais il faudra répéter tout cela chez des mammifères. Par conséquent, on ne réduit pas du tout la nécessité de travailler sur des mammifères, on ajoute un échelon. Cette campagne par ailleurs renforce les opposants à la vivisection et autres organismes de pression qui s’opposent aux recherches basées sur des modèles animaux de maladies, et cela est lourd de conséquences, les politiques cédant trop facilement aux lobbies.

Découvrez tous les sites de Yehezkel Ben-Ari/Discover all Yehezkel Ben-Ari websites

Le Blog de Ben-Ari
B&A Biomedical
B&A Oncomedical
Neurochlore
Portail Ben-Ari