Suite à la parution récente d’un article intitulé “GABAergic inhibition in dual-transmission cholinergic and GABAergic striatal interneurons is abolished in Parkinson disease“, Erwan Bézard, directeur de l’Institut des Maladies Neurodégénératives de Bordeaux a publié un commentaire, que vous pouvez retrouver ici.
Voici notre réponse:
Tout d’abord, nous sommes toujours attentifs aux discussions et critiques et accueillons avec plaisir les débats. Il est regrettable que toutes les innovations et découvertes de ce travail n’aient pas fait aussi l’objet d’une analyse car la discussion de fonds sur les ouvertures conceptuelles que ce travail apporte sont importantes et méritent d’être débattues. Pour rappel, nous avons démontré de façon contraignante la libération d’acétylcholine et de GABA par les mêmes neurones du striatum avec les meilleures techniques possibles, allant d’enregistrement de paires de neurones, à la quantification du nombre total de cellules positives LHX6 et Chat dans le striatum latéral à l’aide de la technique de clarification iDISCO, et aux qPCR intracellulaires et enregistrements multiples du même neurone pour déterminer le rôle des taux de chlore intracellulaire dans sa réponse. La démonstration que la composante GABA est altérée en l’absence de dopamine -cellule attachée puis réenregistrer le même neurone avec des taux de chlore variables- est un point majeur d’intérêt dans le cadre de la compréhension de la pathologie Parkinsonienne.
- La 6-hydroxydopamine (6-OHDA) n’est bien entendu pas une méthode idéale. D’ailleurs, le modèle expérimental idéal de Parkinson n’existe pas et notre collègue est bien placé pour le savoir. Reste que M. Bézard comme tout le monde base ses travaux sur ce même modèle (Bastide et al, Sci Rep, 2017). Notre but était de montrer qu’une drogue qui n’a rien à voir avec la dopamine -sa cible première est exclusivement le co-transporteur de chlore- réduit les signaux électriques et comportementaux de Parkinson en restaurant des taux de chlore bas. L’intention n’est nullement de prétendre que la dopamine n’entre pas dans la boucle des effets, mais il s’agit d’une entité pharmaceutique bien définie qui sort du train-train habituel dopamine-centré et qui montre de façon déterminante que, comme dans d’autres pathologies, les taux de chlore sont accrus (Ben-Ari, TINS, 2017).
- Concernant l’argument de M. Bézard de survendre les travaux, il aurait peut-être été juste de rappeler que nous faisons en parallèle des essais cliniques basées sur la même molécule. Nous avons fait un essai pilote réussi avec la bumétanide sur 4 patients (Damier et al, 2016) et un large test phase 2 est en cours d’élaboration sur 40 patients. En d’autres termes, nous menons en parallèle des études expérimentales pour tester et comprendre les mécanismes et des études cliniques pour tester chez le patient l’hypothèse : from bench to bed !
Les nombreux travaux qui commencent à montrer la libération de 2 transmetteurs vont devenir un sujet majeur de recherches et d’innovation, ce travail apporte une pierre importante en montrant que l’un de ces 2 transmetteurs peut garder une signature pathologique susceptible de constituer une cible thérapeutique.
Y Ben-Ari
Neurochlore, BA Therapeutics et Ben-Ari Institute of Neuroarcheology
Réponse à Erwan Bézard
La critique scientifique majeure d’E. Bézard sur notre article concerne l’aspect comportemental de notre étude. Avant de répondre clairement et de façon chiffrée à ces critiques ciblées sur la figure 6e-f, nous voudrions dire qu’il est bien dommage que toutes les autres données, très nombreuses, n’aient pas aussi fait l’objet d’une analyse.
Comme nous le démontrons ci-dessous chiffres à l’appui, toutes les assomptions d’E. Bézard se révèlent fausses. Nous voudrions faire remarquer que, dans notre longue vie de chercheuses, c’est la première fois que nous expérimentons un reviewer qui fait des statistiques à vue et en donne les résultats avec cette méthode.
Figure 6e :
Nous avons réalisé cette expérience de la façon suivante. Nous avons mesuré le temps de traversée d’un chemin de billes (roller test) d’un groupe A de souris contrôles et d’un groupe B de souris 6-OHDA. Leurs temps de traversée (variable continue) ont été comparés à l’aide d’un « unpaired 2-tailed t-test » (après avoir vérifié la normalité de la distribution des temps de traversée dans chacun des deux groupes), afin de valider notre set up et définir si les souris 6-OHDA montraient un déficit significatif par rapport aux souris contrôles. Une fois cette donnée vérifiée, nous avons repris le groupe B un mois après le premier test et comparé leur temps de traversée avant (nouveau test) et après traitement au Bumétanide. Nous avons vérifié la normalité de la distribution des différences de temps de traversée, et effectué un « paired 2-tailed t-test ».
E. Bézard nous dit qu’un test ANOVA à une ou deux voies eut été adéquat et que cela aurait abouti à un non effet. Ce test ANOVA ne convient pas car nous n’avons pas trois groupes distincts mais un groupe A contrôle et deux groupes B appariés (peut être aurions-nous du faire deux diagrammes séparés). Cependant nous avons quand même fait ce test. Le test ANOVA est dans le tableau ci-dessous (print screen) et montre clairement des différences significatives (en vert) entre les temps de traversée des souris contrôles (ctr) et 6-OHDA (60HDA1), et entre souris 6-OHDA (6-OHDA2) et 6-OHDA2+Bumetanide (Bum). Il montre aussi une absence de significativité entre souris 6-OHDA1 premier test et les mêmes souris 6-OHDA2 second test ainsi qu’entre souris contrôles et souris 6-OHDA2+ Bumétanide.
Figure 6f :
Pole test : il s’agit là de données discontinues puisque nous avons comparé des scores (quoique certains statisticiens pensent qu’on pourrait les considérer comme continues, see Carifio & Perla 2008). Les trois groupes de souris sont indépendants. Nous n’avons pas pu tester les souris 6-OHDA avant et après traitement car l’augmentation de poids avec l’âge empêchait toute comparaison.
E. Bézard nous dit qu’un test ANOVA non paramétrique aurait dû être utilisé (par exemple Kruskal-Wallis) et que cela aurait abouti à un non effet.
Voici ci-dessous le test demandé (print screen) qui montre des différences significatives (en jaune) entre souris contrôles et souris 6-OHDA et entre souris 6-OHDA et souris 6-OHDA + Bumetanide. Par contre il n’y a pas de différence entre contrôles et 6-OHDA+ Bumetanide.
Nous avons aussi fait l’analyse statistique demandée sous python et le résultat est toujours significatif :
Sanaz Eftekhari, Natalia Lozovaya et Constance Hammond with Hamed Rabiei for python statistical analysis (le code peut être donné sur demande).