On ne peut que féliciter les auteurs de ce rapport pour l’étendue exhaustive de l’analyse et des suggestions fortes. Ainsi, l’augmentation de la durée des congés maternité et paternité, l’importance de l’accompagnement des mères, l’attention qu’il convient de porter sur la prématurité qui est en croissance sont bienvenues. Elles sont en accord avec le progrès des connaissances sur la fragilité du développement du cerveau in utéro et les bienfaits de congés prolongés de la maternité. Il faut espérer qu’au moins une partie des propositions sera inscrites dans les faits et que ce rapport comme tant d’autres ne finira pas dans les tiroirs encombrés des ministères. Il y a cependant des points importants qui auraient pu être abordés, même si leur application est complexe.
I) La non-inclusion du premier trimestre de gestation dans les 1000 premiers jours est contredite par de nombreuses données scientifiques et cliniques qui suggèrent que des maladies neurologiques et psychiatriques « naissent » aussi pendant le premier trimestre. Les 1000 premiers jours sur ce plan commencent dès le début de la grossesse et en fait les évènements pathologiques intervenant tôt sont souvent parmi les plus graves.
II) La consommation de nombreux médicaments (cf notamment les antiépileptiques comme la dépakine) voire des molécules de confort (relaxants, antistress etc.) peuvent accroître l’incidence de troubles du développement. Ici aussi les données épidémiologiques sont contraignantes concernant notamment des molécules de large consommation. Certes, cela n’est pas le rôle de cette commission mais un rappel des dangers de molécules de confort administrée parfois un peu trop facilement pendant la grossesse semble justifié.
III) Enfin, la pollution notamment des pesticides mais aussi des particules fines pendant la grossesse mets les enfants à risque de développer des désordres développementaux (autisme, retard mental, etc). Une commission d’experts américaines recommande d’interdire différents types des pesticides connus pour leurs effets délétères sur le cerveau in utéro. Une étude financée par la National Institute of Heath (NIH) montre que l’incidence de l’autisme est augmentée quand les femmes enceintes (2ème trimestre de grossesse) sont à 1.5km ou 2km d’un champ de pesticides notamment organophosphorés. Ces données sont difficilement compatibles avec la limitation à 5 ou 10 mètres décidée par les autorités françaises en tout cas pour les femmes enceintes. Bien entendu, les solutions à cette problématique ne sont pas faciles et peut être pas inscrits dans les buts assignés à cette commission, mais attirer l’attention du public à ce problème est un devoir.
Yehezkel Ben-Ari
CEO Neurochlore, Président du fonds d’action IBEN, grand prix INSERM
Auteur des « 1000 premiers jours » Edition Humensciences, 223 pps
https://www.placedeslibraires.fr/livre/9782379310911-les-1000-premiers-jours-yehezkel-ben-ari/
Références :
- Shelton et al., Neurodevelopmental disorders and prenatal residential proximity to agricultural pesticides: The CHARGE Study, Environmental Health Perspectives, 2014, 122(10):1103-9
- Kerin et al., Association Between Air Pollution Exposure, Cognitive and Adaptive Function, and ASD Severity Among Children with Autism Spectrum Disorder, Journal of Autism Developmental Disorders, 2018, 48(1):137-150.
- Hertz-Picciotto et al., Organophosphate exposures during pregnancy and child neurodevelopment: Recommendations for essential policy reforms. Plos Medicine, 2018, 24;15(10):e1002671.