Zones tampons pour l’épandage de pesticides : fake news et données « scientifiques »

Le gouvernement a parfaitement le droit de décider que l’épandage de pesticides de 5 à 10 mètres des écoles et habitations est adéquat pour des raisons économiques. Comme le dit le Ministre de l’Agriculture, aller vers 150 mètres de zone de protection risque de peser lourdement pour les agriculteurs, rendre les produits plus chers et par conséquent nuire aux consommateurs et à la balance de paiement de la France. Par contre, dire que le gouvernement a des données scientifiques prouvant l’innocuité des pesticides a le double inconvénient de s’apparenter à des fake news et de mettre à mal la confiance du public envers les scientifiques et les autorités publiques – et accessoirement être du domaine du gag, sachant qu’il arrive que le vent ne respecte pas les oukases gouvernementaux.

Les données scientifiques sont sans appel : les pesticides augmentent l’incidence de nombreuse maladies, notamment neurologiques et psychiatriques. Ainsi dans une étude financée par le NIH (l’agence de financement de recherche sur la santé des Etats-Unis), Shelton et collaborateurs montrent que l’incidence de l’autisme augmente chez des enfants de femmes enceintes vivant à 1,25, 1,50 ou 1,75 km de distance d’un champs dans lequel des pesticides ont été utilisés. Mieux, on peut même différencier les effets en fonction de 3 pesticides différents. Ainsi, en Californie, dans ces secteurs, 970 femmes enceintes vivaient à ces distances d’utilisation de pesticides organophosphates, chlorpyrifos ou pyrethroid. On constate 60% d’augmentation de l’incidence de l’autisme à une exposition aux organophosphates pendant le 3ème trimestre de gestation, ou 2ème trimestre à des chlorpyrifos. L’exposition pendant le 1er trimestre à des pyrethroid augmente elle l’incidence de 1,7 à 2,3 fois. Des travaux précédents de même type ont concerné une population plus grande (465 enfants autistes et 6975 enfants qui ne le sont pas – Roberts et al 2007). Des travaux effectués depuis 2005 montrent que des pesticides souvent utilisés sont toxiques pour la santé et ne concernent pas que l’autisme mais aussi des tumeurs, cancers et un large panel de maladies. Les effets de ces agents sur les agriculteurs les utilisant sont tout aussi bien démontrés. Cela n’a rien d’étonnant : ces pesticides agissent en bloquant des signaux de neurotransmetteurs essentiels pour nous comme pour les insectes qu’ils tuent. Le curare bloque aussi efficacement les muscles de vertébrés que ceux d’insectes, les effets sont médiés par les mêmes acteurs. Croire que ces signaux ne servent que chez les insectes est un déni de centaines d’étude montrant la similitude entre les actions de ces transmetteurs chez l’homme et les insectes. Si le gouvernement et les agences responsables ont des données contraires autorisant sans risques des épandages, il faudrait les rendre public. Sinon, qu’ils évitent de parler de données scientifiques.

On peut toujours essayer de gagner du temps, mais comme dans des scandales précédents (sang contaminé, médiator, Dépakine…), la vérité apparaît un jour et les auteurs seront jugés. Il sera difficile de prétendre ne pas avoir su que ces produits sont toxiques quand des poursuites seront diligentées par des personnes ayant souffert de ces séquelles. Le compromis minimal en attendant serait d’informer les voisins de champs d’épandage du type de produits utilisés et des heures d’épandage et préparer la relève le plus rapidement possible en ne cédant pas aux fake news des fabriquants de pesticides.

Janie F. Shelton, et collaborateurs:2014, Neurodevelopmental Disorders and Prenatal Residential Proximity to Agricultural Pesticides: The CHARGE Study 2014
Roberts EM, et collaborateurs 2007. Maternal residence near agricultural pesticide applications and autism spectrum disorders among children in the California Central Valley. Environ Health Perspect 115(10):1482-1489.

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