Pourquoi est-ce si difficile de développer des traitements pharmaceutiques de l’autisme ?

Il n’existe à l’heure actuelle aucun traitement pharmaceutique du Spectre des Troubles Autistiques (TSA) approuvé par les autorités Européennes ou Américaines. Des centaines d’essais en cours sont abandonnés car les effets du traitement ne sont pas supérieurs au placebo. Cette situation concerne des TSA sans cause identifiée et des syndromes génétiques associés comme le syndrome de l’X fragile. Le problème est d’autant plus important que l’incidence de l’autisme est en augmentation : 1.6% de la population. La France est en retard  avec un financement de la recherche publique qui, comme dans d’autres domaines, laisse à désirer mais aussi dans le développement des stratégies comportementales, plus utilisées dans les pays Anglo-Saxons. Les parents d’enfants atteints de TSA, à court de solutions, se tournent vers des solutions alternatives sans fondement solide et qui apportent un espoir qui se transforme malheureusement le plus souvent dans une détresse encore plus profonde.

Pourtant, la recherche sur l’autisme reste très active, avec de 300 à 500 publications scientifiques par mois sur des aspects expérimentaux et cliniques. Les raisons qui expliquent ces difficultés sont de 3 ordres :

I) L’origine précoce du syndrome : le concept de Neuroarchéologie

Les TSA sont générées pendant la grossesse et /ou la naissance à cause de mutations génétiques (plusieurs centaines recensées, couvrant peut-être 15% des TSAs) ou plus souvent des causes « environnementales » comme des pesticides, la pollution, des molécules anti-épileptiques, des inflammations virales ou bactériennes, la prématurité et peut être même les césariennes programmées d’après une méta-analyse récente. Cette période est particulièrement vulnérable car des évènements pathologiques aussi différents vont impacter la construction du cerveau causant plus tard des TSAs. Ainsi, le cerveau d’un nourrisson, enfant ou adolescent autiste est souvent plus grand que le cerveau d’individus non autistes et des travaux expérimentaux montrent que le volume du cerveau continue à croître pendant la naissance, suggérant des altérations déjà à ce stade qui peuvent impacter les rapports mère/nourrisson. Ainsi, des régions cérébrales essentielles pour l’audition sont déficientes en accord avec une hypersensibilité auditive précoce.  Par conséquent, pour comprendre et traiter les TSAs, nos efforts doivent être dirigés vers la maturation cérébrale afin de pouvoir éventuellement intervenir le plus tôt possible sachant que cela améliore considérablement les chances de succès. Or, il est bien plus difficile d’obtenir ce type d’information chez l’Homme comme chez l’animal même si des progrès en imagerie sont encourageants, ouvrant des possibilités nouvelles permettant de comprendre ces altérations précoces et leurs conséquences.

II) Traitement ou guérison ?

Des données humaines et animales suggèrent des malformations cérébrales générées par ces évènements in-utéro qu’il sera difficile de corriger complètement d’autant que le diagnostic de l’autisme est clinique et intervient bien après la naissance. Le concept de Neuroarchéologie offre une alternative basée sur l’utilisation d’agents qui bloquent sélectivement l’activité de ces cellules effectuant une chirurgie pharmaceutique. Celle-ci couplée à des approches comportementales va permettre non pas de guérir mais de traiter et atténuer les TSAs et d’insérer le plus vite possible l’enfant dans le milieu sociétal. L’amélioration viendra de l’école et de l’insertion rapide de l’enfant dans la société.

III) Une lenteur administrative et des démarches complexes

Le développement d’un médicament prend des années, coûte des dizaines ou centaines de millions d’euros et suit un parcours bien défini avec des études pré-cliniques chez l’animal suivies d’essais allant de la phase 1 à 3 chez l’Homme. Partant du concept de Neuroarchéologie, nous avons identifié une cible d’intérêt et utilisé un médicament déjà existant dans une autre indication thérapeutique, et agissant sur cette cible, le Bumetanide. Neurochlore a réussi deux essais de phase 2 avec une différence significative entre les enfants qui ont reçu le traitement (la bumétanide)  et ceux qui ont reçu un placebo. Un essai pédiatrique de phase 3 approuvé par les autorités réglementaires européennes  de l’EMA (European Medicines Agency) et piloté par Servier avec qui Neurochlore a signé un partenariat, est en cours dans plusieurs pays européens (informations sur https://clinicaltrials.gov/ ou http://www.neurochlore.fr/).

Les parents au courant nous écrivent pour s’étonner des lenteurs de la mise sur le marché d’un traitement qui va encore nécessiter plusieurs années. Il faut savoir qu’avant tout lancement d’une étude clinique, une double soumission du protocole d’étude aux instances réglementaires et aux comités d’éthique dans les pays où des patients seront recrutés, avec des échanges de questions/réponses est nécessaire, en vue d’obtenir une autorisation pour démarrer l’étude. Si la preuve d’efficacité sur une plus large population est au rendez-vous de l’étude de  phase 3, il y aura de nouveau une évaluation approfondie des résultats et des étapes réglementaires et administratives à franchir avant que le médicament ne soit disponible sur le marché. Il faudrait envisager de revoir la division entre maladies dites orphelines ou rares (moins de 1% d’incidence) pour lesquelles des démarches plus faciles existent et l’autisme considéré comme trop fréquent et donc invalidé dans cette approche simplificatrice. Le Spectre des troubles autistiques est par essence très hétérogène impliquant in fine de nombreux syndromes regroupés sous une bannière pour des raisons de classification. Cette reconnaissance de maladie rare permettrait à l’autisme d’aller de l’avant bien plus vite vers un traitement.

En conclusion, ici comme ailleurs, il faut sortir des sentiers battus, et accepter les difficultés de développer un traitement à cause de l’extraordinaire complexité du problème que nous essayons de résoudre et les délais réglementaires et administratifs requis pour tout produit. Sur le plan conceptuel, la compréhension et le traitement des TSAs, nécessitent aussi de changer de paradigme conceptuel et mettre tous nos efforts dans la compréhension de la maturation cérébrale plutôt que comme c’est encore à l’heure actuelle sur l’identification de nouvelles mutations génétiques qui n’ont pas autant d’impacts sur le plan thérapeutique. L’Institut IBEN et son fonds d’action à but non lucratif ont comme but de déterminer les modifications du cerveau pendant ces phases critiques afin de mieux comprendre et traiter les TSAs.

Yehezkel Ben-Ari, Neurobiologiste, Fondateur de Neurochlore et de l’Institut Ben-Ari de Neuroarchéologie (IBEN)

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