Douleur ou anesthésie, le dilemme des nouveaux nés

© Photo Inserm - Patrick Delapierre
© Photo Inserm – Patrick Delapierre

Curieusement, nous savons beaucoup de choses sur la douleur des femmes pendant l’accouchement, mais infiniment moins sur celle du nouveau né. Différentes approches et techniques permettent heureusement de limiter la douleur du travail et de contredire les dictons bibliques du genre « tu enfanteras dans la douleur ». Pendant le travail et surtout à la naissance, le futur nouveau né  est soumis à une forte tension et nous savons, grâce aux travaux du Prof. H Lagercrantz (Karolinska Institutet, Stockholm), que cette tension représente un stress majeur. L’article princeps du Prof. H Lagercrantz intitulé « The stress of being born » montre que les taux de molécules de stress chez le nouveau né –adrénaline et cortisol notamment –est bien plus élevée que chez la mère ou chez un adulte même lorsque ce dernier est soumis à un épisode de stress sévère. Ces molécules de stress sont libérées en réaction à la pression que subit le cerveau pendant la naissance. Elles libèrent des facteurs qui contribuent à vider les liquides des alvéoles pulmonaires et permettre le passage  à une respiration aérienne. Le nouveau né par césarienne a souvent à la fois moins de molécules de stress et un problème respiratoire transitoire. Par conséquent, il s’agit d’un mécanisme qui a été préservé au cours de l’évolution des mammifères afin de permettre le passage à une respiration aérienne.

Et la douleur ? Des données de la même équipe montrent que les bébés nés par Césarienne sentent plus la douleur que ceux nés par voie basse. Des données expérimentales que nous avons obtenues il y a quelques années confirment cela chez l’animal et montrent que cette analgésie est due à l’hormone ocytocine qui déclenche  le travail mais en même temps réduit le passage de l’influx nociceptif. L’ocytocine déclenche le travail et agit comme un agent analgésique sur le nouveau né. Les choses sont bien faites, une hormone remplie deux fonctions en même temps. Les actions bénéfiques de l’ocytocine sont d’ailleurs incroyablement nombreuses, j’y reviendrai par la suite.

Reste que la douleur par exemple suite à des interventions chirurgicales sur un prématuré peut avoir des conséquence à long terme et doit de toute façon être évitée pour des raisons éthiques. Le problème est cependant que les analgésiques peuvent aussi avoir des effets délétères persistant d’où le dilemme : la douleur ou l’anesthésie.Une large étude européenne récente a recensé et comparé les approches et les agents anesthésiques utilisés dans de nombreux pays. Il en ressort une grande diversité d’agents et de procédures.  Les résultats de cette étude soulignent à quel point des données systémiques et  expérimentales nous manquent car il faut rappeler, encore et encore, combien le cerveau immature diffère du cerveau adulte et la nécessité absolue de l’aborder comme tel.  Je discuterai dans un prochain article les autres aspects des naissances notamment prématurés en relation avec des maladies psychiatriques et neurologiques.

Ben-Ari

Références

Carabajal R et al Sedation and analgesia practices in neonatal int ensive care units (EUROPAIN): results from a prospective cohort study, The Lancet septembre 2015

Char N, editorial Lancet Negotiating the dilemma of anaesthesia and sedation in NICUs, The Lancet, septembre 2015

Ben-Ari Y Is birth a critical period in the pathogenesis of autism spectrum disorders? Nature Reviews Neuroscience 2015 Aug;16(8):498-505.

Tyzio R et al Maternal oxytocin triggers a transient inhibitory switch in GABA signaling in the fetal brain during delivery. Science 006 Dec 15;314(5806):1788-92.

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