Paru dans Rebonds Libération le lundi 29 Septembre 2003
Pour régler le conflit israélo-palestinien, voici le plan de séparation que l’ONU devrait mettre en œuvre.
Par Yehezkel BEN-ARI, Edgar MORIN, Véronique NAHOUM-GRAPPE et François TANGUY
A l’évidence, la « feuille de route » comme les accords d’Oslo agonisent. Etant donné la haine et la méfiance entre les deux peuples, le projet d’une Etat binational dans le territoire de la Palestine de 1948 est illusoire. Tout aussi illusoires sont les différents plans car ils impliquent tous un statu quo suivi d’un retrait partiel des colonies et des négociations sur le tracé définitif, offrant ainsi de nombreuses occasions aux extrémistes des deux bords de faire parler la poudre et interdire son application. Une internationalisation du conflit et la séparation des deux parties sont par conséquent la seule solution viable au conflit (cf. Elie Barnavi, Marianne, septembre 2003).
La démission de l’Autorité palestinienne est injuste. Elle est cependant nécessaire car elle garantit aux Palestiniens la création d’un Etat viable.
Nous proposons un plan de paix basé sur le principe d’une séparation complète sans négociations directes et un retour immédiat aux frontières du 6 juin 1967 avec une force d’interposition des Nations unies placée le long de la frontière de 1967. Pendant la période intérimaire – limitée à deux ans – l’autorité palestinienne transfère ses pouvoirs à un gouverneur nommé par les Nations unies qui a pour charge – en plus du commandement de la force d’interposition – l’application d’un plan Marshall pour la Palestine. Ce plan est piloté par les pays du quartet et en particulier par l’UE que des liens équilibrés avec les deux parties et l’échec de l’approche américaine embourbée en Irak offrent une occasion unique de réinvestir une région et d’affirmer sa politique.
La démission de l’autorité palestinienne élue démocratiquement est injuste. Elle est cependant nécessaire car elle garantit aux Palestiniens la création d’un Etat viable sur tous les territoires occupés depuis 1967 et permet d’obtenir les soutiens financiers pour la reconstruction de la Palestine. En ce qui concerne les Israéliens – opposés de toujours à l’internationalisation du conflit -, il est temps enfin d’adopter des mesures coercitives en cas de refus, le blocage par l’UE de toutes les relations, y compris économiques, accompagné d’un embargo et l’inclusion des crimes commis pendant le conflit dans le cadre de poursuites devant les cours de justice internationales. Une attitude ferme aura un effet bénéfique sur une opinion publique en train de se rendre compte combien la politique de Sharon est un échec et représente à terme un risque pour la survie de l’Etat (cf. l’article de A. Burg, le Monde du 11 septembre). L’assemblée des Nations unies vote la résolution suivante.
Volet juridique
Article 1 : L’autorité palestinienne est dissoute et ses pouvoirs exécutifs sont transférés pour une durée de deux ans à un gouverneur nommé par le secrétaire général des Nations unies, sur proposition des membres permanents du Conseil de sécurité. Le présent Arafat et les membres de son gouvernement recevront l’aide et la protection du gouverneur général pendant cette durée.
Article 2 : Le gouverneur commande les forces d’interposition, contrôle les finances, bat monnaie et possède les pouvoirs financiers et économiques y compris réception des dons attribués par les Etats et organisations caritatives et onusiennes (UNRWA, etc.). Il contrôle la police et nomme des représentants auprès d’organes de gestion et de gouvernement local. Cependant, les maires élus conservent leur pouvoir jusqu’à la prochaine élection.
Article 3 : Une assemblée constituante représentative composée de membres du parlement palestinien, de personnalités compétentes et de personnalités civiles palestiniennes de la diaspora est nommée par le secrétaire général des Nations unies six mois après le début d’application de cet accord. Elle fera une proposition d’organisation d’un Etat palestinien au plus tard dix-huit mois après le début de l’application de cet accord.
Article 4 : Des élections générales sont organisées sous l’égide des Nations unies, dix-huit mois après l’entrée en vigueur de ce plan. Elles aboutissent à l’élection des organes de gouvernement de l’Etat palestinien qui prend fonction six mois plus tard – à la date d’expiration du mandat du gouverneur. Toutes les personnes vivant en Palestine ou ayant quitté le territoire depuis la guerre des Six Jours pourront voter et sont éligibles à ces institutions.
Volets militaires et territoriaux
Article 1 : Les forces israéliennes quittent les territoires occupés depuis 1967 dans les six mois qui suivent l’adoption de cette résolution. Ces forces ne pourront en aucun cas intervenir en territoire palestinien quelle qu’en soit la cause. Les installations construites par Israël – routes, bâtiments camps militaires, etc. – sont cédées en l’état aux autorités de transition.
Article 2 : Une force d’interposition est placée sur la ligne de démarcation du 6 juin 1967. Ces forces – de l’ordre de 10000 soldats et officiers – ont pour tâche principale d’interdire, y compris par l’usage de la force, tout passage entre des deux entités. Elle est placée sous commandement de l’UE avec la participation des Etats-Unis et des autres membres du quartet. Les forces israéliennes peuvent prendre tout disposition y compris la construction de murs et le placement de forces militaires afin de verrouiller la frontière à la condition expresse que ces éléments soient placés à l’intérieur des frontières de l’Etat d’Israël – celles du 5 juin 1967.
Article 3 : Toutes les colonies israéliennes sont transférées à l’intérieur du territoire israélien au plus tard six mois après l’adoption de cette résolution.
Article 4 : Pendant la phase de transition, Jérusalem, y compris la partie Est, reste sous l’autorité d’Israël. Des propositions pour le statut définitif de la ville sont faites par une commission nommée à cet effet par le secrétaire général des Nations unies. Le principe est que cette ville doit rester unie avec les autorités centrales des deux Etats. Si les Israéliens refusent la ville est partagée le long de la frontière de 1967. L’annexion de la partie Est de la ville par Israël – qui n’a d’ailleurs pas été reconnue par la quasi-totalité des nations – est nulle et non avenue ainsi que les confiscations de biens et terres par Israël depuis 1967.
Article 5 : Les forces de police palestinienne, composées notamment des policiers de l’actuelle autorité, sont placées sous l’autorité du gouverneur qui nomme des officiers y compris à partir d’éléments extérieurs.
Article 6 : Une amnistie générale est décrétée pour les personnes condamnées pour des délits liés au conflit – y compris délits de sang. Les prisonniers détenus en Israël sont remis aux mains de l’autorité du gouverneur. De la même façon, les militaires israéliens ne sauraient pas être poursuivis pour faits liés au conflit et antérieurs à la signature de cet accord.
Article 7 : Un plan de démilitarisation est prévu dans l’accord. Il s’attache notamment une limitation de la future armée palestinienne en interdisant pendant vingt ans la possession d’armées de l’air et de mer et une limitation du nombre de chars d’assaut.
Volet économique
Article 1 : Un plan type Marshall est décrété afin de reconstruire la Palestine. Il est doté d’un fonds conjoncturel de l’ordre de 10 milliards d’euros provenant des pays les plus riches (Club des 7 UE, Etats-Unis, etc.), des banques mondiales et des pays arabes. Ces fonds sont gérés par le gouverneur de la Palestine et affectés tant à la reconstruction des infrastructures – routes, hôpitaux, port et aéroport – que des maisons détruites par les combats. Les travaux de constructions sont effectués par des ouvriers et techniciens palestiniens afin de faire redémarrer l’économie palestinienne.
Article 2 : Dans le même souci, l’UE, les Etats-Unis, le Japon et les pays arabes limitrophes acceptent de détaxer totalement les produits palestiniens pour une durée de deux ans à partir de la signature de ces accords.
Article 3 : Le fonds spécial dédommage les colons israéliens pour leurs propriétés à concurrence de 25 000 euros maximum à la condition que celles-ci soient laissées en bon état. Cette somme s’ajoute à celles qui peuvent être attribuées par les autorités israéliennes.
Article 4 : Les appartements et maisons laissées par les colons sont distribués par une commission nommée par le gouverneur notamment au profit de familles endeuillées par la disparition d’un membre pendant la guerre.
Autres aspects
Article 1 : A la fin de la période intérimaire, les nouvelles autorités palestiniennes récupèrent leurs droits régaliens et peuvent adopter une loi du retour pour les réfugiés.
Article 2 : Un dédommagement est proposé aux réfugiés palestiniens et/ou à leurs descendants qui ont quitté la Palestine lors des guerres précédentes – et notamment celle de 1948. Un budget financé par les donations des organismes et Etats riches qui garantissent l’application de cet accord est créé et géré par une commission nommée par le secrétaire général des Nations unies. L’Etat d’Israël reconnaît une part de responsabilité dans l’expulsion de Palestiniens en 1948 et participe au fonds spécial à concurrence de 10% de la totalité de la somme fixée par les Nations unies.
Yehezkel Ben-Ari est directeur de l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée ; Edgar Morin est philosophe ; Véronique Nahoum-Grappe enseigne à l’Ecole des hautes études en sciences sociales ; François Tanguy est directeur du théâtre du Radeau au Mans.
