Malgré l’extraordinaire développement de la biologie moléculaire, la génétique ou l’analyse des données à l’aide de l’Intelligence Artificielle, il y a peu d’innovation dans le traitement de la plupart des maladies neurologiques et psychiatriques. Nombre d’essais cliniques dites de phase 3 – qui va permettre la mise sur le marché- échouent amenant nombre de pharmas à délaisser le champ des maladies du cerveau. Ainsi, tous les essais de traitement de l’autisme, la schizophrénie, voire de maladies dégénératives comme la chorée de Huntington ont échoué. Pourtant souvent les données expérimentales sont solides, validées par plusieurs laboratoires et des essais cliniques dites de phase 2 A ou B ont montré des effets positifs. Ainsi, malgré des essais cliniques effectués en France, Chine, Suède et Hollande concernant plus de 500 enfants souffrant des Troubles du Spectre Autistique (TSA), un large essai de phase 3 effectué par Servier et Neurochlore à échoué. Pourtant utilisant la même molécule, une équipe Hollandaise montre des effets hautement significatifs sur des enfants sélectionnés en fonction de leur Électroencéphalogramme : le traitement restaure un EEG normal et atténue la sévérité du TSA. L’échec est par conséquent celui de la phase 3 et possiblement des conditions d’inclusion et non du traitement.
Les pharmas d’ailleurs ne s’y trompent pas et concentrent leurs efforts sur des populations moins hétérogènes et stratifiées de façon à accroître les chances de succès. La génétique par exemple permet de faire ces stratifications en choisissant des syndromes de maladies rares comme le syndrome de l’X fragile ou de la trisomie 21. D’ailleurs le même traitement est efficace pour des enfants ayant un syndrome d’origine génétique -la sclérose tubéreuse de Bourneville associée à des TSAs et des crises d’épilepsies. Il s’agit par conséquent d’une révolution de notre approche de développement de nouveaux traitements nécessitant une forte stratification des patients inclus dans les essais. Reste un problème éthique qui n’a pas de réponse évidente : comment ne traiter que les enfants ayant tel ou tel marqueur biologique et laisser les autres sans traitement ? Ces observations questionnent quelque part les exigences parfois excessives des autorités. Peut-on accorder une autorisation de mise sur le marché d’un traitement dont les effets secondaires sont faibles et facilement contrôlés ? « Primum non nocere » reste le principe de base de tout accord de mise sur le marché. Un scandale récent autour de la FDA illustre ces problèmes avec l’accord de mettre sur le marché un produit pour traiter la maladie d’Alzheimer alors que les essais cliniques ont montré une amélioration des aspects anatomo-pathologiques mais pas de la maladie. Les experts de la FDA ont démissionné suite à une décision incompréhensible. On voit bien la complexité du problème.
Yehezkel Ben-Ari, Neurobiologiste, PDG de Neurochlore et de B&A Biomédical