L’augmentation des fraudes scientifiques et des publications qui ne sont pas reproductibles est un souci majeur maintes fois analysé. Des revues dites de premier plan ont de plus en plus de rétractions, des articles considérés majeurs et ouvrant de nouvelles perspectives sont abandonnés car basés sur des résultats trafiqués ou « arrangés », y compris émanant de laboratoires prestigieux. Ces fraudes ont cependant d’autres conséquences que jeter l’opprobre sur la science et les scientifiques : l’industrie pharmaceutique en souffre aussi. Ainsi, comme rapporté dans un article bien documenté dans Le Monde, des industries majeures comme AstraZeneca ou Novartis ont investit des milliards pour acquérir des brevets et des petites start-ups ayant fait des découvertes majeures avant de s’apercevoir que les données étaient falsifiées et les articles rétractés. Ainsi, un chercheur affilié au prestigieux MD Anderson Cancer Center a truqué ses résultats et Pfizer a découvert qu’un de ses chercheurs seniors a retouché ses images et 7 de ses articles publiés et avérés faux ont été retiré de la publication. De même, GSK s’est aperçu qu’une équipe de son centre chinois avait dû retirer une publication dans la revue Nature car fausse. Toute les structures de contrôles se sont avérées incapables de stopper cette hémorragie, aussi bien les reviewers des articles que les experts des boîtes pharmas. Les raisons sont pourtant bien connues : les publications dans des revues (de préférence prestigieuses) ouvrent des perspectives de carrière importantes pour les chercheurs à une époque où les facteurs d’impact et les évaluations numériques remplacent les analyses critiques des articles. Il en va de même pour les petites comme d’ailleurs pour les grandes entreprises, amenées, souvent pour des raisons d’évaluation boursière, de faire des annonces tapageuses sur des découvertes de traitement innovants. On ne répétera jamais assez combien l’invasion des critères économiques et des modes pourrit la recherche conceptuelle et accroît la méfiance du public vis-à-vis de ses chercheurs. On doit faire vite et publier ou mourir, et certains chercheurs ne font qu’imiter les critères de succès qui dominent le monde actuel : faire des opérations rapides, amasser des moyens financiers importants et se libérer du joug de la critique. Recherche fondamentale comme recherche appliquée -les deux mamelles d’une même approche comme dirait Pasteur- sont ici unies dans ces malfaçons dues aux mêmes causes.
Source : Les laboratoires pharmaceutiques face aux dérapages des chercheurs, Le Monde, 28.10.2017