Dans un article puissant publié par the Conversation, F Clerget et E Genin dissèquent les contresens et les faiblesses de la « génomancie » dominante (terme utilisé par Jean-Claude kaplan en 1979). Les visions du film Bienvenue a Gattaca seraient elles en train de devenir réalité ? Depuis les promesses dithyrambiques faites à la Maison Blanche lors de la célébration de l’identification du génome Humain (le 26 juin 2000) « très bientôt les maladies seront guéries etc. » on constate qu’il n’en est rien. La génétique conquérante n’a pas permis de guérir les fléaux des maladies en particulier cérébrales, la quasi-totalité des traitements sur le marché ou en cours de l’être provenant d’approches expérimentales cliniques. Plus grave encore, la génétique moléculaire axée sur des maladies monogéniques (syndrome de Rett, X Fragile, Chorée de Huntington etc.) ont été élargies à des approches statistiques. Celles -ci consistent à établir une corrélation entre l’expression d’un trait chez un groupe d’individus et des marqueurs sur leur génome. Ces marqueurs peuvent être vus comme des petits drapeaux balisant tout le génome. L’idée sous-jacente est qu’une association entre un marqueur et un trait permet de détecter des facteurs génétiques indépendamment des facteurs d’environnement dans le trait étudié. Cette approche a été élargie à quasiment tout allant des maladies à l’intelligence, la lecture voire la probabilité de divorcer…On sait pourtant que corrélation ne veut pas dire relations causales. Un exemple assez frappant pris par les autrices
« Ainsi, une telle étude qui comparerait, en France, des personnes mettant du beurre doux sur leurs tartines et des individus tartinant plutôt du beurre salé identifierait un grand nombre de marqueurs génétiques associés à cette dernière préférence… Non pas parce qu’elle révélerait des facteurs génétiques conférant un goût particulier pour le beurre salé, mais parce que ces marqueurs ont une fréquence différente en Bretagne et dans les autres régions de France ! »
Cet article foisonne de données illustrant combien il est illusoire de faire abstraction de l’environnement surtout alors que nous apprenons tous les jours les méfaits de la pollution et du réchauffement climatique. Il faut accepter la complexité du vivant avec humilité et remettre la génétique en compagnonnage des autres sciences sans lesquelles elle ne permettra pas de contribuer à résoudre les défis qui nous guettent.
Françoise Clerget-Darpoix et Emmanuelle Gerin