L’autisme est un trouble neurodéveloppemental complexe qui touche environ un enfant sur 100, avec une prévalence quatre fois plus forte chez les garçons. Les causes de ce trouble restent inconnues à ce jour et aucun traitement médicamenteux n’est disponible. La prise en charge est uniquement symptomatique et passe par des thérapies éducatives personnalisées. Nous travaillons depuis plusieurs années sur le mécanisme d’action de la bumétanide. En 2014, nos travaux, publiés dans la revue Science, ont montré qu’il était possible, dans des modèles animaux, en traitant des femelles gestantes avec de la bumétanide, de prévenir des comportements autistiques chez leurs descendants. La bumétanide agit sur les concentrations élevées de chlore dans les neurones observées dans certaines maladies neurodéveloppementales comme l’autisme. Ces travaux ont rapidement ouvert la voie à des études cliniques chez l’homme. Une étude de phase 2A a tout d’abord été réalisée par le Dr E. Lemonnier, puis un essai de phase 2B multicentrique a été mené par la société Neurochlore dans 6 centres en France sur près de 90 enfants (2-18 ans). Cette étude vient de montrer des résultats encourageants en faveur de la bumétanide sur plusieurs échelles d’autisme. Ces résultats, publiés récemment, permettent d’envisager une prise en charge globale du trouble et particulièrement de ses symptômes clés, le déficit social et les comportements stéréotypés. L’utilisation prolongée chez l’enfant de la bumétanide peut être envisagée sereinement car son acceptabilité chez l’adulte est bien documentée, ce produit étant utilisé dans l’insuffisance cardiaque et les œdèmes d’origine rénale et hépatique depuis de nombreuses années. Après un accord de partenariat entre Neurochlore et les laboratoires Servier, la troisième et dernière étape de cet essai clinique au long cours devrait commencer prochainement. Cette phase 3 va encore durer un an, sur environ 300 enfants de 2 à 18 ans, dans des conditions rigoureusement éthiques, le protocole venant d’être approuvé par l’Agence européenne du médicament (EMA). Un dépôt de demande d’Autorisation de Mise sur le Marché est envisagé fin 2021.
« Je suis ravi de voir que les recherches fondamentales que nous menons depuis plusieurs décennies sur le développement des courants ioniques vont aboutir au traitement d’un syndrome qui n’en a pas à l’heure actuelle. Cela illustre l’importance de la recherche fondamentale de type cognitif et de la collaboration avec des médecins et psychiatres comme le Dr E. Lemonnier. J’ai toujours considéré que les recherches expérimentales doivent être centrées sur des concepts majeurs sans préjuger d’une application qui peut éventuellement (ultérieurement) survenir de façon inattendue. La compréhension du développement des réseaux neuronaux dans des conditions pathologiques ouvre ainsi la piste à de nouvelles approches thérapeutiques de maladies cérébrales, surtout lorsqu’il s’agit de syndromes ayant une origine intra-utérine. » Yehezkel Ben-Ari
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Article publié dans Translational Psychiatry